Chantal

DELCROIX

Artiste peintre

les belles revenantes

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Réveil après un rêve agité  en Aragon , peuplé d’hirondelles  et de blêmes lézards.  
Je fixe  sans le voir vraiment  le mur blanc de ma chambre situé à ma droite, mon esprit dérive et flâne mollement, se relâche  dans l’austérité de cette vision libre. 
Les volets de l’unique et  haute fenêtre  sont ouverts , dehors je sais qu’ils sont là comme toujours, les mêmes : arbres,  oiseaux,  nuages ,vents , soleil ,  au travers du   grand verre qui floute le regard.
Je me réveille , doucement, ce mur  blanc, simplement  blanc, presque aveuglant … lux aeterna ... 
Sur sa surface muette, comme un frémissement d’ombres  ténues, à peine perceptibles, là juste sur le coté droit de mon grand lit ; d’où viennent-elles ? De la haute fenêtre, d’eux …, du grand verre , enfin je présume.
Elles  s’ajoutent, se forment  en silence sans se bousculer , se placent , s’organisent dans une cohérence étonnante , s’incluent  de façon harmonieuse dans un continuum que je devine des plus complexes . 
Me voici,  en attente maintenant inhérente de nouvelles figures;  
Apparition progressive d’un théâtre d’ombres de plus d’un mètre cinquante de hauteur, sur soixante centimètres  de largeur environ.
Je l’avais déjà remarqué, mais si fugitivement, durant cette  longue période qui me cloua au lit.
Aujourd’hui je les observe avec grande attention,  se déplaçant gracieusement dans les zones claires, se cachant dans les obscurités  désertes.  
Mais ce n’est pas fini car en catimini, en glissements  furtifs et joyeux, les formes s’accentuent peu à peu , la lumière se fait  de plus en plus éclatante  et les ombres,  insistantes. 
Les figures  rhizomatiques s’installent,  lisses , sans cicatrice , sans compromis , sans recherche de regard , sans drame ; simples,  jamais brouillonnes, construites , articulées solidairement les unes aux autres, elles se stabilisent pour se transformer à nouveau et cela ,sans engendrer une quelconque  vulnérabilité, bien au contraire.

A peine les mouvements protéiformes commencent-ils  doucement à imprimer la surface du mur, que d’autres sont déjà là avec leurs  grisailles subtiles , faire  valoir inédit des lumières et des obscurités.

Ces  changements s’opèrent sans que j’y  prenne garde, conformément aux douces consignes d’un  mystérieux système sous jacent ;  les  intervalles d’un mouvement à l’autre s’avèrent difficiles à repérer tant ils sont infimes, néanmoins ils font leur œuvre et les changements  s’opèrent subtilement.

Des relations s’établissent  entre ces figures labiles, sans exclusivité semble t-il ? car elles se créent  naturellement aussi avec moi, mais par quelle  formule combinatoire ?

Toutes ces évolutions  m’enchantent… L’ennui est rendu impossible par ce jeu neuronal de relations, de constructions de déconstructions ;  les formes disent et redisent sans lasser.    
Des figures vacillent  vers la déformation des réseaux ; les nids s’emplissent de  lumière, s’encerclent  d’ombres mouvantes, les  vides et les pleins bavards se  structurent  en  un rectangle régulièrement tracé.

Presque à regret pour moi , la netteté des figures s’affirme  au terme d’un délicate processus de mise à vie ,  pour se flouter d’abord , se déformer ensuite mais toujours de façon  reliée, pour enfin   pâlir  peu à peu jusqu’à l’effacement  total ;  curieusement , l’image survit au vide du mur blanc .

Ainsi se termine le spectacle, je vérifie les jours suivants  le caractère répétitif du phénomène.

Vérification faite : le théâtre réapparait bien  toujours vers la même heure du matin autour de 9h00, sur environ une trentaine de  minutes.

Difficile de mettre en exergue les  variables sensibles, au fil des jours de ce phénomène.

Chantal - Florencia DELCROIX
Novembre 2008
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