« Artiste pluridirectionnelle, utilisant tous les vecteurs possibles pour se lancer dans des expérimentions plastiques que lui dictent sa sensibilité aiguë, Chantal Delcroix a acquis dans son laboratoire à idées une maîtrise étonnante de toutes les techniques mixtes. Mais plus qu’une technicienne, plus qu’une peintre ayant digéré et fait sienne des mouvements artistiques du XXe siècle ou de l’Antiquité, nous avons affaire à une plasticienne poète, photographe et écrivaine… peut-être un jour cinéaste !
Les sources de son inspiration sont inépuisables : Rêves nocturnes (séries des « Nocturnes » au bleu et noir profonds dominant, fantomatiques, issues de nuits fertiles) ; son théâtre d’ombres mouvantes et magiques (« Les Belles Revenantes ») observé dans un demi-réveil, tous les matins, de son lit, « entre 9 heures et 9 h 30 » ; sa série d’encre-acrylique-huile mêlées « Rerum Natura » pénétrant avec une dextérité intime les secrets instables de la nature ; son autre suite d’« Adverbes », s’ouvrant totalement aux forces gestuelles, tranchantes, sans compromis, presque brutales de la peinture.
Dans ces séquences-là aux contrastes virils, aux forces telluriques démesurées, où le blanc-lumière sculpte les noirs denses et éblouit le regard, nous entraînant dans un univers explosif, je ne peux m’empêcher de penser à Robert Motherwell – dans un autre registre spatial bien sûr (« Elegy to the Spanish Republic ») –, à son expressionnisme abstrait, son lyrisme exacerbé, sa détermination de ne rien changer du flux spontané initial.
Mais Chantal Delcroix se double aussi de théoricienne de la peinture, déroulant des démonstrations à la « Kandinsky », comme les pérégrinations ou déplacements de points sur un paysage de couleurs, dans sa série « Déplacement de points ».
Il y a dans le travail de Chantal Delcroix de l’ordre et de l’organisation qui n’empêchent pas le vertige et le « lâcher-prise » de cohabiter, une approche toujours très personnelle, de la poésie, de la fraîcheur, une ouverture constante sur les phénomènes secrets de la nature, une observation émerveillée du détail, des réminiscences mythologiques omniprésentes, honorant l’Égyptienne Nout, déesse des astres et de l’infini céleste. Avec cette artiste protéiforme, toujours subtile et imprévisible, l’art s’habille de splendeur, d’humanité, et éclaire la vie. »
Jean-Philippe Rauzet